Sarh... aujourd\'hui et demain !

MESSAGE DE NOEL DES EVEQUES DU TCHAD

MESSAGE   DE   NOËL  2010

 

DE  LA  CONFÉRENCE  ÉPISCOPALE  DU  TCHAD

 

Jean-Claude BOUCHARD, évêque de Pala, président de la CET

Matthias NGARTERI, archevêque de N’Djamena

Michel RUSSO, évêque de Doba

Edmond DJITANGAR, évêque de Sarh

Miguel SEBASTIAN, évêque de Laï

Rosario Pio RAMOLO, évêque de Goré

Joachim KOURALEYO, évêque de Moundou

Henri COUDRAY, vicaire apostolique de Mongo

 

 

        POUR  UN  TCHAD  NOUVEAU

 

 

 

 

 


« Oui je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se rappellera plus le passé, il ne reviendra plus à l’esprit… Je trouverai ma joie en mon peuple. On n’y entendra plus de cris ni de pleurs. On n’y verra plus de nouveaux-nés emportés en quelques jours, ni d’homme qui ne parvienne pas au bout de sa vieillesse… On bâtira des maisons  et on y restera, on plantera des arbres et on en mangera les fruits » (Is 65,17-21).

 


1.         « À vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père » (Col 1,2). Comme nous fêtons cette année le 50ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, il s’imposait que nous abordions ce sujet dans notre traditionnel Message de Noël. Il peut paraître audacieux de nous adresser ainsi non seule-ment aux chrétiens mais aussi à tous les Tchadiens et Tchadiennes. Nous le faisons en tant que responsa-bles religieux, qui se doivent d’aimer les hommes et les femmes de ce pays comme Dieu les aime et de partager avec eux la Bonne Nouvelle de salut qui s’adresse encore à notre temps. La parole du prophè-te Isaïe, citée plus haut, nous est aussi destinée. Elle nous appelle à construire avec Dieu une terre nouvelle.

 

Besoin d’un Tchad nouveau

2.         Dans ce message du cinquantenaire, nous voulons porter un regard rapide sur ce que nous avons vécu jusqu’à maintenant. Et surtout, partant de là, nous désirons appeler les uns et les autres à construire un avenir meilleur pour notre pays, dans le même sens que l’ont fait les évêques du dernier Synode pour l’Afrique : « Ce Synode le proclame haut et fort : le temps est venu de changer certaines habitudes par amour des générations présentes et futures » (Message final, Nº 36).

Certes, nous reconnaissons les apports de l’indépen-dance, tels que la prise de conscience de la citoyen-neté tchadienne, l’émergence de la société civile, l’affirmation de la liberté d’expression, les efforts pour une plus grande démocratie et pour un mieux-être social. Mais comment ne pas se convaincre qu’il y a bien des choses à changer dans notre pays si l’on en croit Transparency International qui situe le Tchad parmi les pays les plus corrompus du monde !

Nous n’avons pas le droit de ne rien faire face à cet état de choses. Il nous semble nécessaire de faire un sérieux examen de conscience et de tirer les leçons des cinquante années écoulées afin de nous engager sur la voie du renouveau.

3.         Certains tirent profit de la situation actuelle mais la majorité de la population en subit les consé-quences et risque de sombrer dans le découragement le plus total. Est-ce cela que nous voulons ? Et com-ment ne pas reconnaître que ce que nous appelons pudiquement « corruption » est criminel devant la loi, et doit donc être puni ; elle est aussi inconcilia-ble avec la religion qui interdit le vol. La « piété » ne se réduit pas seulement à la prière et au culte, elle doit imprégner toute la vie.

 

Une Nation à construire

4.         Une nation se caractérise par la conscience de former ensemble une unité historique, sociale, culturelle, politique et par la volonté de vivre en commun. Il faut constater, sous peine d’être incons-cient de la tâche qui attend le pays, que le Tchad est composé d’un ensemble de peuples si différents qu’on ne peut pas parler d’unité historique, sociale et culturelle. La Nation est donc à construire par la ferme volonté de vivre en commun sur la terre qui a pour nom le Tchad. Cela ne peut se faire que par une organisation politique respectueuse de tous les ci-toyens, quelle que soit leur ethnie ou leur région d’origine, et par la création d’un État avec des institu-tions fortes et respectées. Cela exige aussi une armée républicaine disciplinée et un contrôle des armes.

 

Avoir une vision et la volonté politique

5.         Beaucoup de Tchadiens se disent déçus par l’évolution du pays depuis l’indépendance. La pro-clamation d’indépendance avait été accueillie par des acclamations et cette liberté conquise remplissait les esprits et les cœurs de joie et d’une immense attente. Nous étions libres ! Le Tchad s’est alors donné une Constitution, un drapeau, une devise et s’est composé un hymne national. Mais quelle vision avions-nous pour l’avenir du pays ? Nous savons que très tôt les choses ont dégénéré. Certains antago-nismes passés ont refait surface. Les abus de pouvoir ont vite provoqué des rébellions, qui sont devenues des guerres et ont accentué les fractures ethniques. Cela a favorisé le repli sur soi, suscité des haines, et empêché le pays de progresser, non seulement en créant la pauvreté mais en paralysant les institutions essentielles. La recherche du pouvoir et de l’enri-chissement personnel, clanique ou ethnique, au détriment du bien commun, a fait le reste.

6.         De ce fait, beaucoup de Tchadiens ont de la peine à considérer le Tchad tel qu’il est comme leur « patrie », c’est-à-dire une terre mère à laquelle nous avons le sentiment d’appartenir, que nous aimons, pour laquelle nous avons la volonté de nous dévouer : en défendant certes les frontières, mais surtout en nous consacrant à la promotion humaine et sociale de tous. Nous sommes frères et sœurs, bien que d’ethnies différentes. Malheureusement nous cherchons trop souvent à nous exploiter les uns les autres plutôt qu’à servir le pays qui est à tous. Qu’est-ce qui résonne en nous quand nous chantons l’hymne national ou que nous hissons le drapeau tchadien ?

 

Un grand défi à relever

7.         Est-il possible d’entrevoir une ère nouvelle et un avenir meilleur ? Dieu merci, la paix semble revenir et les conditions sont par conséquent plus propices pour traduire vraiment dans les faits ce que dit de façon admirable le Préambule de la Constitu-tion : « Nous, peuple tchadien, affirmons par la pré-sente Constitution notre volonté de vivre ensemble dans le respect des diversités ethniques, religieuses, régionales et culturelles ; de bâtir un État de droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l’Homme, la dignité de la personne humaine et le pluralisme politique, sur les valeurs africaines de solidarité et de fraternité. »

L’essentiel est là : la vision et la volonté politique. Il reste cependant le plus difficile : faire en sorte que ces mots ne soient pas vains mais deviennent réalité par une action cohérente et des décisions concrètes. « Qui veut la fin, prend les moyens », dit le proverbe.

 

Respecter le droit et réformer la justice

8.         Il importe d’affirmer d’emblée que le respect du droit et de la justice est une condition fondamen-tale pour vivre en société et construire un pays. Et qui dit respect du droit et de la justice dit forcément sanction de ceux qui ne respectent pas le droit et pratiquent l’injustice, quels qu’ils soient. L’impunité ne doit exister pour personne : « L’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale » (Constitution Art. 14).

En effet, comment s’entendre entre citoyens et com-ment construire un pays dans l’unité si le droit et les lois ne sont pas les mêmes pour tous ou ne sont pas respectés, si les deniers publics sont gaspillés ou détournés, si les coupables ne sont ni jugés ni punis, si l’appareil judiciaire est paralysé par la corruption et les pressions de toutes sortes ?

Nous parlons souvent de la jeunesse, avenir de la Nation. Mais regardons en face dans quel contexte social naissent et grandissent nos enfants actuelle-ment : quelle éducation leur donnons-nous dans le sens du respect de soi et des autres, de l’honnêteté, de l’amour du travail et de la discipline ?

9.         Où en est le projet de réforme de la Justice qui est normalement en cours ? Cette réforme, comme bien d’autres, nous semble urgente. Le peuple a le droit de savoir qui peut juger, arrêter et infliger des punitions et des amendes, et à quelles conditions. Les graves abus actuels risquent de décourager totalement les citoyens honnêtes. Le pape Jean-Paul II écrivait : « Le plus grand défi pour faire avancer la justice et la paix en Afrique consiste à bien gérer les affaires publiques, politiques et économiques… Il faut un vigoureux réveil des consciences des gens pour mettre en œuvre des solutions qui s’imposent d’urgence » (EIA, Nº 110).

 

La terre et la propriété foncière

10.       Un grave problème de droit et de justice existe actuellement dans le pays : celui de la terre et de la propriété foncière. Nous disons qu’il s’agit là d’une bombe à retardement si on ne lui trouve pas des solutions équitables. Personne n’ignore en effet que des guerres peuvent survenir à cause de la terre. Dans notre pays la terre est l’objet de nombreux conflits, par exemple entre éleveurs et agriculteurs. Tout le monde est au courant de ces conflits, souvent sanglants ; on y cherche des solutions locales, mais rien n’est fait pour régler les problèmes en profon-deur. Des troupeaux mangent impunément les récoltes des paysans. Certaines personnes plus fortunées ou jouissant d’un pouvoir quelconque s’emparent de terres ou de propriétés par la force ou les « achètent » auprès d’une soi-disant autorité villageoise sans que les premiers occupants ne soient au courant et sans tenir compte du droit coutumier et des lois foncières. Les plus hautes autorités du pays se doivent d’intervenir à ce sujet auprès de l’admi-nistration régionale et locale.

 

Vers une meilleure gouvernance

11.       Pour apprécier la gouvernance d’un pays, l’Indice Ibrahim « évalue la prestation des biens et des services publics délivrés aux citoyens. » Il consi-dère « la Sécurité et la Souveraineté du Droit, la Participation et les Droits de l’Homme, le Dévelop-pement Économique Durable, le Développement Humain. » Ainsi, c’est à partir de la qualité des ser-vices et des résultats obtenus, qu’on juge l’exercice du pouvoir, la manière de gouverner et la gestion d’un pays. Malheureusement le Tchad est classé avant-dernier pour la bonne gouvernance.

12.       Nous savons pourtant que notre pays a, en plus de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, qui faisaient autrefois sa richesse et qui sont à dévelop-per de façon plus rationnelle, d’énormes ressources minières : pétrole, or, uranium, etc… Il n’est donc pas un pays pauvre et aurait les moyens de fournir des services essentiels de qualité à tous ses habitants s’il était mieux géré et visait un développement éco-nomique et social cohérent pour tous. « L’homme est au début et à la fin du développement comme agent conscient et comme but final », disait déjà le prési-dent sénégalais Léopold Sédar Senghor.

13.       Cela nous semble nécessiter une prise de conscience de la part de toutes les instances du pays : politiques, gouvernementales, administratives, comme de tout citoyen, sans oublier de souligner la place et le rôle des femmes à tous les niveaux. Ne faut-il pas commencer par une réforme de la fonction publique en faisant une évaluation de ses membres à partir de critères objectifs de compétence, de conscien-ce professionnelle et de rigueur morale ? Les séquelles de la guerre ne doivent pas interférer avec le besoin d’une administration et d’une fonction publique saines.

14.       Pour une meilleure gouvernance, il faut aussi appeler à une réforme de la coopération internatio-nale qui, telle qu’elle fonctionne, profite souvent plus aux pays donateurs qu’à ceux qui reçoivent. On en a des preuves par exemple dans l’exploitation du pétrole et la gestion opaque de ses revenus ; de même dans l’aide aux réfugiés et contre la famine qui permet d’écouler les surplus des pays riches et pénalise les paysans locaux. Pour atténuer la cherté de la vie, des décisions sont prises, par exemple pour le prix des matériaux de construction et des denrées alimentaires, mais comment sont-elles appliquées et quelles conséquences ont-elles sur la population de la base ?

 

L’éducation

15.       S’il est un domaine qui mérite une attention spéciale dans un pays c’est bien l’éducation. Elle est nécessaire pour l’épanouissement des personnes et constitue un droit fondamental pour tout citoyen. Mais elle est aussi importante pour un pays car c’est à l’école que se réalise d’abord une certaine cohésion sociale et qu’on forme les citoyens et les cadres de demain. Il faut reconnaître que notre pays a fait un effort considérable ces dernières années pour doter les populations d’établissements scolaires plus dignes, du moins en ce qui concerne les structures, bien que certaines soient inutilisées et d’autres réalisées hors de toute norme technique sérieuse. Cet effort doit être continué car une infinité d’écoles de village sont sous la paille, avec les enfants assis par terre et sans manuels scolaires.

16.       Nous déplorons aussi la multiplication anar-chique d’écoles dans le but de profits personnels, le trop grand nombre de maîtres communautaires « bénévoles » non formés, le manque de débouchés sur le marché du travail. Lieu privilégié de formation des consciences des enfants, l’école se transforme souvent en lieu de corruption et de commerce. L’éducation est plus qu’un travail pour avoir un salaire, elle est une vocation. Il est nécessaire de former beaucoup plus de maîtres compétents et de bonne moralité sur la base d’un recrutement plus rigoureux. Il faut aussi veiller à la gestion des fonds publics dévolus à l’éducation.

 

La santé

17.       Un autre domaine qui nous semble prioritaire est celui de la santé et c’est pourquoi l’Eglise catho-lique s’y investit beaucoup, y inclus dans la lutte contre le Sida. Des efforts, tant privés que publics, ont été fournis, il faut le reconnaître. Mais il reste beaucoup à faire quand on voit la répartition inégale des structures sanitaires, le manque de personnel soignant compétent en milieu rural, la mauvaise gestion des services publics de santé tant en personnel qu’au plan financier, la mauvaise application des décisions concernant la gratuité de certains soins, le déséquilibre entre cliniques à but lucratif et les établissements de soins publics…

18.       Cependant, nous sommes heureux de souligner la collaboration existante en matière d’éducation et de santé entre l’État et l’Église catholique, dont la compétence est reconnue en ces domaines. Nous croyons que cette collaboration peut encore se développer pour le bien des populations.

 

À vous frères et sœurs chrétiens

19.       Que voulons-nous faire de nos cinquante ans à venir ? Tout ce qui précède s’adresse à tous et donc aussi à vous chrétiens comme personnes et citoyens. Nous avons en effet une mission particu-lière de servir nos frères et sœurs et de construire le pays, en sachant que les occasions de se décourager ne manquent pas. Beaucoup se laissent aller dans la boisson et mènent une vie futile au lieu de se consa-crer à leurs tâches familiales et professionnelles. À ceux-là nous demandons de se reprendre. Le sort de nos propres enfants est en jeu. Les aide-t-on à trou-ver leur identité humaine et chrétienne, et à intégrer les valeurs nécessaires pour affronter la modernité ?

20.       Noël nous lance un appel particulier et nous offre une occasion unique de nous renouveler dans notre foi. L’Apôtre Paul écrit aux Romains : « Frères, vous le savez, c’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil… La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténè-bres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, sans orgies ni débauches, sans dispute ni jalousie, mais revêtez le Seigneur Jésus-Christ » (Rm 13,11-14).

21.       Vous êtes nombreux à venir à l’Église mais on dirait que votre foi au Christ ressuscité n’alimen-te pas vraiment votre vie de tous les jours, qu’elle soit familiale, sociale ou professionnelle. Comment dans ces conditions être comme le Christ lumière pour nos frères et sœurs qui n’ont pas la chance de connaître la parole de Dieu ? Il ne faut surtout pas penser que la vie sociale, professionnelle, politique n’a rien à voir avec notre foi chrétienne. Comme l’ont dit les évêques du Synode pour l’Afrique : « Vous êtes l'Église de Dieu dans les lieux publics de notre société. Grâce à vous, la vie et le témoignage de l'Église sont rendus plus visibles au monde. Vous participez donc au mandat que l'Église a reçu d'être «ambassadeur du Christ » travaillant pour la récon-ciliation entre Dieu et les hommes, et des hommes entre eux. Ceci demande que vous permettiez à la foi chrétienne d'imprégner tous les aspects et toutes les dimensions de votre vie, que ce soit en famille, au travail, dans l'exercice de diverses professions, dans la politique et dans la vie publique. Ce n'est pas une tâche facile » (Message final Nº 22).

 

Une juste idée de la politique

22.       Il est à noter que les évêques du Synode vous encouragent, vous chrétiens catholiques, à vous investir en politique. C’est vrai que beaucoup de chrétiens ont une mauvaise idée de la politique : elle serait le lieu du mensonge, de la médiocrité et du manque de scrupule. Elle serait un obstacle plus qu’une aide pour la construction du pays. Or une bonne gouvernance est inséparable d’une bonne politique. Tout dépend de la façon dont la politique est faite. Le pape Pie XI a dit que la politique était la forme la plus élevée de l’amour fraternel. Chrétiens, vous êtes citoyens à part entière, l’engagement politique vous concerne.

 

Vers un Tchad réconcilié

23.       Grâce aux Commissions Justice et Paix, l’Église catholique qui est au Tchad est déjà très en-gagée dans la lutte pour la réconciliation nationale, la justice et la paix, condition indispensable pour construire le pays. Mais l’effort doit être poursuivi en collaboration avec nos frères des autres dénomi-nations chrétiennes et les autres croyants. Le dialo-gue interreligieux, en particulier le dialogue islamo-chrétien, représente un défi pour construire la paix. Les Tchadiens aspirent à plus de justice et de paix et souhaitent vivement à tous les niveaux une réelle volonté politique d’arriver à une vraie réconciliation. Dans certains pays la création de Commissions Vérité et Réconciliation a produit de bons fruits. Cela serait-il envisageable pour le Tchad ?

24.       « Que le Dieu de la persévérance et du cou-rage vous donne d’être d’accord entre vous selon l’Esprit du Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une même voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 15,5-6).

Comme nous y invite notre hymne national :

« Peuple tchadien, debout et à l’ouvrage ! »

 

Joyeux Noël  et  Bonne Année  2011 !



13/12/2010
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