Sarh... aujourd\'hui et demain !

Lettre circulaire aux partenaires du BELACD de SARH

                                                                                                                 Sarh 10.03.212

                                                                       A

                        TOUS NOS AMIS ET PARTENAIRES EN DEVELOPPEMENT

 

Chers amis et partenaires.

Je prends le temps de vous écrire personnellement pour faire le point de l’état où nous nous trouvons de notre coopération dans les différents projets de développement que vous soutenez dans notre diocèse. Nous avons amorcé depuis quatre ans une réforme de nos structures et notamment celles d’appui au développement (BELACD) en tenant compte de nouveaux paramètres tels que les exigences des normes européennes, de la conjoncture financière en dégradation constante et de notre capacité à mobiliser les bénéficiaires des projets par un plus grand investissement local.

Jusqu’à ce jour, nous sommes encore loin du compte et nous n’en voyons pas encore assez clairement l’issue car les paramètres changent continuellement sous la pression de l’actualité. J’avoue en toute humilité que nous nous trouvons dans un marasme organisationnel sans précédent et cette lettre est un appel au secours pour nous aider à trouver des voies de sortie. Il ne s’agit pas tant d’un apport financier supplémentaire, que d'appui en conseils et surtout beaucoup de confiance dans les efforts que nous déployons pour nous permettre de retrouver la confiance en nous-mêmes et du courage face aux décisions à prendre qui relèvent de notre  responsabilité.

La restructuration du BELACD avait pour but d’alléger sa structure afin de le rendre plus opérationnel dans ses interventions et obtenir ainsi des résultats plus performants. La pléthore d'employés et la masse salariale importante rendait le BELACD bien lourd à gérer. Forts des promesses d’aide des uns et de l’argent que l’Etat nous devait pour différentes prestations de services conventionnées, nous avons procédé au licenciement d’une partie du personnel dont certains totalisaient plus de 18 ans de travail au BELACD. Cela représentait une somme de 105 887 162 frs cfa (soit 161 423,93 euros).

Mais le désengagement à la dernière minute de certains partenaires et les difficultés de recouvrement de l'argent que l'Etat nous devait nous a amené à puiser provisoirement sur nos propres réserves financières( bien maigres) et sur des fonds de projets en attente de réalisation. Cela nous a certes permis de régler les droits sociaux de tous les employés à licencier et à nous faire éviter des procès à l’infini ou payer des sommes exorbitantes. Ici tout le monde croit que l’Eglise est riche et les réclamations de ses employés en justice sont énormes, souvent soutenues par une magistrature corrompue.

Il a fallu en même temps continuer dans le domaine de la santé  et de l’éducation car on ne peut pas interrompre les soins des malades du jour au lendemain et licencier les enseignants au terme d’une année civile alors que l’année académique va de septembre à juin. Pour ne pas fermer, nous n’avons retenu que deux domaines d’intervention sociale qui nous semblaient prioritaires  pour le BELACD : le département santé et la promotion de petites initiatives de lutte contre la pauvreté que nous appelons le département « socio économie ». Nous avons rédigé un plan d’action qui n’a été pris en compte  qu’à partir de juin 2009 et entre-temps, nous avons déboursé 46 209 746 Fcfa (soit 70 446,30 euros)

Dans le domaine de la santé, nous avions assuré pendant environ 20 ans, la gestion du district sanitaire de Moïssala grâce à l’appui financier de MEDICUS MUNDI Navarra puis de MISEREOR. La mauvaise collaboration avec l’Etat dans ce projet nous a amené à résilier le contrat prévu initialement pour cinq ans et que nous avons reconduit trois fois successives. Ce n’est qu’en décembre 2011 que nous avons rétrocédé non sans peine, la gestion du district à l’Etat : le passif en médicaments régulièrement fournis à l’hôpital de district  était systématiquement détourné vers des pharmacies privées.

Les changements successifs de gestionnaire  n’y a rien fait et il nous a été impossible de solder le compte Hôpital de Moïssala à la pharmacie du BELACD qui monte à 70 888 962 Fcfa (soit 108 069, 52 euros). Nous avons aussi, dans un accord interne avec le personnel soignant dépendant de l’Etat, régulièrement anticipé leur salaire quand il y’avait des retards de payement pour éviter des grèves paralysantes; mais nous désespérons aussi de rentrer dans nos droits pour ces avances de salaires qui sont de 34 778 907 Fcfa (soit 53 020,10 euros).

Le recrutement du nouveau personnel ne s’est pas fait sans difficulté car les salaires que nous leur proposions leur semblaient insuffisants tant les organismes humanitaires internationaux et autres ONG étrangers présentaient de gros salaires plus intéressants. Suite aux promesses électorales, l’Etat a décrété le 21.01.2011 une nouvelle grille de salaires qui pénalise le secteur privé et qui ne nous permet pas de recruter le nombre suffisant de personnel même pour nos centres de santés et nos écoles. Ceux que nous réussissons difficilement à recruter n’acceptent pas facilement nos conditions, notre rythme et nos exigences de travail.

Cela nous a obligés à revenir au personnel ecclésiastique disponible, ayant beaucoup de bonne volonté  mais pas toujours bien compétent professionnellement. C’est ainsi que nous avons maintenu à la direction du BELACD le Vicaire général qui devait assurer le temps de passage de la restructuration. Nous lui avons adjoint un jeune prêtre formé en gestion et nous lui avions donné comme mission de regarder de près nos comptes et de faire tout pour maintenir ce qui mérite de l’être. Si nous avons maintenu le Vicaire général jusqu’à ce jour, c’est pour avoir une voix qualifiée et parler au nom de l’Eglise devant les instances publiques et dans ses domaines d’interventions sociales (Education, lutte contre le VIH/Sida, droits humains...)

Depuis un an, nous avons envisagé le remplacement du directeur par un laïc, mais nous avons plusieurs fois reculé du fait des enjeux du partenariat avec INTERMON/OXFAM dans le Programme Sécurité alimentaire dans le Mandoul (PSA). Nous allons rendre effective la décision de remplacement prise depuis le dernier conseil d’administration du BELACD.

Au terme de la restructuration générale, nous nous sommes retrouvés dans l'impasse avec le Projet Sécurité Alimentaire dans le Mandoul financé par Union Européenne par l'intermédiaire de Intermon Oxfam...Les protagonistes de ce projet sont les employés du BELACD qui devraient être licenciés...certains sont partis au terme de la restructuration. Cela a amené des ajustements des responsabilités à répétition au sein du projet...Une autre difficulté et non des moindres, c'est notre contribution financière locale à apporter dans le projet.

 Nous avions  misé sur nos petites réserves et sur les créances de l'Etat qui s’élèvent au total à 79 468 344 Fcfa soit (121 148,70 euros). Nous avons tout mis en œuvre pour le recouvrir ne serait-ce que partiellement mais c’est difficile. Nous n’avons à ce jour versé que 30 319 934 Fcfa  soit (46 222,44 euros) sur les 57 000 000 (soit 86 895, 93 euros) auxquels nous nous étions engagés.

Le terme du PSA ne coïncidant pas exactement avec la restructuration du BELACD, il nous a fallu élaborer un plan intérimaire en socio économie que la Caritas Suisse a généreusement accepté d'appuyer. Malheureusement, la gestion des transferts au niveau du volet Santé (Moïssala et Maingara) et la lenteur administrative qu'on nous reproche à juste titre font que le volet « socio-économie » a démarré ses projets avec un grand retard. Cela est dû aussi au fait que nous avions à  accueillir de nouveaux protagonistes, en particulier, une religieuse membre d'une nouvelle congrégation (SHCJ) que nous venons d'accueillir dans le diocèse.

Comment se présente la situation aujourd'hui ?

Il y'a trois domaines où le BELACD de Sarh essaie de se maintenir contre vents et marées.

1.      Le volet santé:

Après la rétrocession du district de Moïssala à l'Etat et la cession du dispensaire de Maïngara à la Congrégation des Soeurs de Notre Dame des Apôtres, nous réfléchissons à la mise en place d'une structure souple de coordination de nos 4 centres de santé et autres activités (pharmacie, animation sanitaire et prévention du SIDA...). D'autre part nous sommes engagés avec le CIDR dans la mise en place des mutuelles de santé autour de quelques uns de nos centres de santé et cela nous demandera une attention soutenue.

2.      Le volet « socio-économie »

Le projet d'amélioration des semences de Moussafoyo est lancé tandis que  le projet de transformation des produits alimentaires autour du Centre Sainte Marthe est en train de démarrer lentement. Nous sommes obligés de cesser les appuis que nous apportions aux écoles communautaires en matière de formation pédagogique des enseignants faute de financements et de sérieux dans le partenariat avec l’Etat. Il nous reste comme un défi permanent d'engager davantage nos communautés dans les réseaux d'Epargne et Crédit que nous avons initié il y'a quelques années. La PARCEC est autonome à présent, mais n’a pas amélioré le sort des masses populaires par défaut d’animation : elle a besoin d'un second souffle que les communautés paroissiales peuvent lui apporter en s’engageant davantage.

Comment se présente le BELACD aujourd'hui:

Il y'a un Bureau permanent est composé:

·         d'un directeur

·         d'un gestionnaire

·         d'un coordinateur du volet soci-économie

·         d'un comptable (à recruter)

·         d'un manœuvre

·         d’un chauffeur

Les projets en cours de réalisation sont:

  • la multiplication des semences
  • la mise en réseau des producteurs d’arachides
  • la commercialisation regroupée(PSA)
  • la collaboration avec le CIDR dans la mise en place des mutuelles de santé
  • la conservation des haricots (PICS)
  • le Projet Round 9 du Fond mondial de lutte contre le Sida (volet suivi social des enfants victimes du Sida)
  • la formation post-scolaire des filles au Centre Sainte Marthe

Le Conseil d’administration  élargi aux partenaires locaux et à des personnes ressources, a eu à élaborer de nouveaux statuts du BELACD pour une requalification de « Association de droit tchadien à but non lucratif » pour pouvoir prétendre à des cours à projets locaux dont nous sommes souvent disqualifiés comme association étrangère. Un manuel de procédure simplifié est à l’étude et sera présenté à la prochaine assemblée générale.

La perspective de création imminente du diocèse de Koumra est un autre facteur innovant qui mérite une attention particulière. Nous ne pouvons pas présumer de l’organisation du développement dans la prochaine circonscription ecclésiastique, c’est pourquoi nous avons voulu délester le futur diocèse de l’épineux problème de gestion du district sanitaire de Moïssala et du Centre de santé de Doh (Bédjondo) qui fait problème.

Nous avons toujours été conscients de nos limites et nous avons toujours apprécié l’aide que les partenaires nous ont apportée pour y remédier. Mais l’intensité et la durée de la crise actuelle ont eu des répercussions graves sur notre administration et le mode de gestion des projets en cours de réalisation : nous vivons au gré des urgences tant les défis sont nombreux et multiformes. Un « plan Marshal » ne résoudra pas le problème.

C’est pourquoi nous comptons plus sur l’appui structurel et la gestion financière des projets. Nous ne désespérons pas de trouver des appui-conseils conséquents auprès de nos amis et partenaires pour permettre à notre administration de fonctionner normalement et de nous aider à développer l'esprit de créativité dans la mise en oeuvre de nos projets.

Dès le début de la restructuration, nous avions réclamé une aide en ce sens sous forme de tutorat d’une ou deux années, mais nous n'avions pas été convaincants ou pas compris des partenaires sollicités. Si nous continuons à faire du sur-place ou pire, à régresser en certains domaines, ceci explique cela.

Pour qui arrive au  BELACD dans la conjoncture actuelle, les choses peuvent paraître normales, mais pour qui a vécu comme moi les 20 ans de croissance et de décroissance de cette institution, il faut beaucoup de foi et d’espérance pour croire qu’on peut le sortir de ses impasses actuelles, mais à quel prix humain ? L’avenir nous le dira.

C’est fort de cette espérance au vu des épreuves passées, que nous attendons du renouvellement du bureau permanent la chance de voir le bout du tunnel. Mais nous avons besoin de votre sympathie, de votre compréhension et surtout de vos encouragements.

A toutes et à tous, nous renouvelons notre reconnaissance pour le chemin parcouru ensemble et notre disponibilité à le poursuivre avec vous si nos égarements ne vous ont pas encore décidé à nous laisser tomber. Merci de la patience à me lire jusqu’au bout et merci d’avance de votre réaction quelle qu’elle soit à cette lettre. Bon carême et bonne montée vers Pâques.

 

                                                                               + DJITANGAR GOETBE Edmond

                                                                               Evêque de SARH/ PCA du BELACD



03/04/2012
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