Sarh... aujourd\'hui et demain !

HOMELIE DE L MESSE EN MEMOIRE DE MGR MATHIAS NGARTERI A LA PAROISSE SS PERPETUE ET FELICITE(N'DJAMENA)

Chers frères et sœurs,

Chers Parents et amis.

Vous tous bien-aimés de Dieu

 

Nous ne célébrons pas une messe de requiem mais une célébrons la vie qui continue en faisant mémoire de notre frère et de notre pasteur Mgr Mathias NGARTERI Mayade. Il était mon frère jumeau dans le sacerdoce mais il était devenu mon évêque en succédant à notre évêque Mgr Henri VENIAT de vénérable mémoire…puis confrère dans l’épiscopat.

La Parole de Dieu que nous venons d’entendre sont  les textes de notre ordination sacerdotale célébrée à la Cathédrale Notre Dame de l’Immaculé Conception de Sarh le 30.12.1978. Nous avions choisis ces textes parce que, étant  les tout premiers prêtres du diocèse de Sarh, les fidèles se posaient beaucoup de questions sur la manière dont nous allions vivre la vie sacerdotale.

Nous avions voulu apaiser certaines de leurs inquiétudes car beaucoup ont très éprouvés par la « révolution culturelle » de 1973-1975. J’ai repris ces deux lectures (1 Corinthiens 9,11-23 et Lc 22,24-30) pour notre célébration pour nous aider à mieux comprendre certains aspects de la vie sacerdotale et épiscopale de Mgr Mathias.

Dans la première lecture, Paul dit aux Corinthiens que sa vocation est essentiellement d’annoncer l’Evangile:

  • Annoncer l’Evangile est pour lui une nécessité vitale. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile »
  • Annoncer l’Evangile est  l’engagement libre pour amener à la foi des hommes et desfemmes de toute origine et de toute culture…  « libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous… » Cela demande un engagement total et un sacrifice total de soi et de ses ambitions humaines mêmes les plus légitimes.
  • Annoncer l’Evangile c’est travailler gratuitement au salut des hommes et des femmes, sans calcul d’intérêt ou attente de récompense humaine.
  • Annoncer l’Evangile c’est prendre fait et cause pour ceux et celles à qui on s'adresse et qu’on appelle au salut de Dieu, c’est s’identifier à ceux à qui on annonce l’Evangile pour les amener coûte que coûte à adhérer à Jésus-Christ…

 Dans l’Evangile, Jesus rappelle à l’ordre ses disciples qui ambitionnent d'occuper les premières places dans le Royaume qu’il annonce(Mt 18,1)…Les fils de Zébédée voulaient être l’un à la droite et l’autre à la gauche du Christ...dans sa gloire…les autres réagissent d’avoir été  supplantés par les deux frères…(Mt 20,20ss). Cette fois-ci, Jésus annonce la trahison de Judas et sa mort inéluctable…et voilà que ses disciples se mettent à se quereller: ils veulent savoir qui parmi eux est le plus grand, et …par extension  qui sera leur chef …quand il ne sera plus là…

Et pourtant il avait désigné Simon-Pierre comme chef de la communauté apostolique..contesteraient-ils le choix du Maître ? Avec une grande patience, Jésus les instruit.

A l’esprit de ce monde où ceux qui gouvernent et les chefs  s’imposent par leur force ou leur richesse et se font appeler « bienfaiteur »…, Jésus oppose l’esprit de son royaume…« Pour vous il n’en est pas ainsi…que le plus grand parmi vous se comporte come le plus jeune et celui qui gouverne come celui qui sert. … » .

Jésus ne se contente pas de leur faire une leçon de morale théorique …  Il se donne en exemple: « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert »…La première place dans le Royaume de Dieu s’obtient par le service des autres…et le modèle absolu de service c’est Jésus-Christ qui nous invite à l’imiter.

Voilà le chemin de la vie sacerdotale que le Christ lui-même nous a tracé et qui fait du sacerdoce un service et non un pouvoir terrestre. Le prêtre se tient au milieu de ses frères et soeurs à la place du Christ et cette place est celle du serviteur …Si nous oublions cela « malheur à nous » car nous ne prêchons plus l’Evangile! C’est sur ces deux paroles que nous avons essayé de bâtir notre vie sacerdotale :

Beaucoup considéraient le prêtre comme un « grand »  parce qu’il a beaucoup fait de longues études…avec des diplômes…de grandes connaissances… Certains se demandaient même si nous allions être capables de vivre avec les paysans…Mais Dieu a fait bien les choses ;  notre Evêque Mgr Henri VENIAT nous a aussitôt affectés, non pas en ville, mais dans deux villages différents :Mathias le sar à Mouroumgoulay en pays gouley et moi, le gouley à Koumogo en ays sar…Il fallait pour Mathias être gouley avec les gouley  et moi, sar avec les sar…pour ANNONCER L’EVANGILE.

Pour annoncer l’Evangile, il faut être libre, disponible  et dépasser les préjugés ethniques ou sociales hérités. Il faut être capable de se faire tout à tous  et de se mettre au service...L’épiscopat …avec ses titres de « Monseigneur », « Son excellence », « Père-Evêque » …et les égards et places de choix qu’on nous réserve dans la société peuvent nous distraire et nous faire croire que nous sommes parmi les grands de ce monde…

Le risque de dévier est certes grand, …mais quand le prêtre ou l’évêque traite avec les grands de ce monde, c’est au nom de Jesus-serviteur…c’est et au nom des plus petits...c’est en votre nom, petit troupeau de Dieu ….

Mathias comme jeune prêtre avait été désigné par l’évêque pour servir d’intermédiaire lors des tractations entre le pouvoir et l’opposition armée dite des codos... Avec lui nous avons représenté l’Eglise catholique à LA CNS… Il a été coopté avec l’agrément de la CET pour être à la CENI… Comme archevêque il a la délégation de ses pairs les évêques d’entretenir avec le pouvoir de bonnes relations pour le bien de l’Eglise catholique…

 On peut appeler cela comme on veut, mais ce n’est ni plus ni moins « se faire tout à tous » comme St Paul définit sa méthode d’évangélisation. Cela est parfois mal compris par certains frères et sœurs…et d’autres ne l’acceptent pas tout simplement. Mais Jésus Christ doit être annoncé de toutes les façons comme le dit le même apôtre Paul.

Mon frère a achevé sa course après une fidèle poursuite de ce choix fondamental. Après trois déracinements et autant d’enracinements successifs: de Sarh à Moundou, de Moundou à N’Djamena et de N’Djamena vers le Père… Que reste t-il comme trace après ces lieux de passages ?

 Un adage africain dit que c’est lorsque l’arbre est abattu qu’on peut mesurer sa grandeur. De nombreux témoignages nous ont été donnés et continuent de l’être depuis les adieux solidaires de la nation à ce fils de Bedaya qui a eu de grandes ambitions pour son pays et pour son Eglise.

Pour ma part, moi son compagnon de route, je ne veux pas cacher ses défauts car comme tout humain, il en avait ; mais je veux retenir quelques traits caractéristiques pour la mémoire.

Nous connaissons tous sa forte personnalité… Il était persévérance et allait jusqu’au bout de ce qu’il entreprenait. Cela donnait parfois l’impression de vouloir écraser toute contradiction…mais peu connaissent  sa capacité d’écoute et de sa souplesse d’esprit quand il devait changer d’opinion… Il fallait savoir lui parler et lui manifester de la confiance et vous trouviez devant vous un ami, un père qui vous écoute et est qui est prêt à s’impliquer avec vous.

Nous connaissons tous ses coups de gueules et ses éclats de rires sonores qui s’alternaient au point qu’on se demandait comment il arrivait à équilibrer ses humeurs…Mais peu savent que Mathias est un artiste, un poète de la langue sar à travers les pages de la Bible qu’il a traduites en sar et a travers ses compositions musicales jamais égalées. Il est resté avec le tempérament un peu imprévisible de tout artiste…

Mathias aimait sa culture…parfois un peu aux détriments des autres…mais il savait composer avec les autres… Il a poussé la prouesse de faire accompagner  des cantiques toupouri ou moussei avec le balafon…parce qu’il avait une passion pour la liturgie et les belles liturgies…Il était dans tous ses états quand on se trompait en liturgie. Il a été un des pionniers de l’africanisation de notre  la liturgie et des recherches pour inculturer les célébrations de la vie chrétienne.

Nous ne pouvons que louer le Seigneur pour cet héritage spirituel et bien d’autres qu’il nous laisse en partage. Son souci de rendre l’Evangile accessible à tous est bien dans la ligne de l’enseignement du Pape François qui par ses gestes et ses paroles nous encourage à oser sortir de nous-mêmes pour aller porter le Christ partout et avec humilité.

Je remercie mes confrères évêques et l’Administrateur diocésain Mgr Alphonse KARAMBA qui avec beaucoup de délicatesse m’ont fait l’honneur de présider cette Eucharistie et de pouvoir ainsi donner ce petit témoignage pour rendre vivant la mémoire de notre frère et pasteur Mgr Mathias NGARTERI. Il a rejoint a compagnie de François NGAIBI, Louis DRAMAN, Denis MIANBE, Sr Marie-Thérèse BIREMBANO, Sr Anne MIATAMAY… toute la RESRAT d’En Haut… Que par leur intercession, nous puisions continuer d’être « tout à tous » dans l’annonce de l’Evangile.

 LOUE SOIT JÉSUS-CHRIST A JAMAIS.

(12.12.2014)

 
 


20/12/2014
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